La conception d’une charte graphique et sa mise en oeuvre peut sembler réservée aux grandes entreprises et aux grandes administrations. Or, pour paraphraser une sentence célèbre attribuée à Henry Ford :
« Ce qui est bon pour Coca-Cola est bon aussi pour la petite entreprise. »
Une charte graphique constitue, en effet, un rouage essentiel de toute stratégie de communication. Quelle que soit la taille de l’entreprise ou de l’organisation.
Une charte graphique détaille les facteurs qui vont constituer son identité visuelle et contribuer, par là même, à améliorer sa communication. Pour cette raison, elle fait l’objet d’une formalisation précise, dans un document souvent appelé « bible » de l’entreprise.
Charte graphique : définition
La charte graphique d’une entreprise ou, d’une manière plus large, d’une organisation, dresse les contours de son identité visuelle. C’est ce qui va permettre de la reconnaître au premier coup d’oeil.
L’élément central de cette reconnaissance est le logo de l’organisation, mais l’existence d’un logo n’est pas suffisante. L’identité visuelle de l’organisation doit également s’appuyer sur quatre autres éléments essentiels et périphériques : la typographie, la couleur, la présentation et le style.
Le logo, élément central de l’identité visuelle
Le logo, abréviation de logotype, est l’équivalent d’un emblème, d’un dessin ou d’un drapeau. Il est le symbole, à lui seul, de l’organisation qu’il représente. Pour cette raison, une fois défini, il évolue peu. Toute évolution entraîne effectivement le risque d’une désagrégation de l’identité visuelle de l’organisation.
Elle ne peut donc s’envisager que dans le cadre d’une stratégie globale ayant pour effet une mutation profonde de ce qu’elle est.
Le logo d’Orange n’a ainsi plus rien à voir avec celui de France Télécom qu’il a remplacé, si ce n’est la couleur. D’une entreprise à l’autre, la mutation est profonde, ce qui justifie le changement de logo, mais, en même temps, il s’agit toujours de deux entreprises intimement liées par leur histoire, ce que rappelle la couleur orange, commune aux deux.
La typographie, la couleur, la présentation et le style, éléments essentiels et périphériques de l’identité visuelle
La typographie dans une charte graphique
Une charte graphique détermine précisément la police d’écriture ou de caractères que l’organisation doit utiliser systématiquement dans tous ses documents écrits. Ses conditions d’utilisation précisent, en outre, les circonstances dans lesquelles il convient de recourir aux différentes possibilités offertes par la typographie retenue.
Celles-ci concernent, notamment, la taille des caractères, l’emploi des majuscules, le soulignement du texte et l’usage de la graphie italique. Il en est de la typographie employée par une organisation comme de l’écriture manuscrite individuelle : elle est forcément unique.
Le choix d’une ou plusieurs couleurs
Une couleur correspond globalement à une longueur d’onde particulière. De ce point de vue, la perception d’une couleur est variable et ses effets le sont de même. Ainsi Jean Gabriel Causse, auteur de « l’étonnant pouvoir des couleurs », écrit :
Nous percevons le rouge, l’orange et le jaune comme des couleurs chaudes, le bleu et le violet comme des couleurs froides. Le vert est à considérer comme une couleur tiède.
Pour vanter les mérites de sa boisson qu’elle veut énergisante, Coca-Cola, par exemple, a adopté la couleur rouge comme couleur dominante dans sa communication. Le bleu ou le violet serait, de fait, en contradiction avec une telle promesse.
Par ailleurs, la palette des couleurs ne peut être que restreinte. Trop de couleurs tue la couleur.
La charte graphique détermine donc les trois ou quatre couleurs, au plus, permises. Pour chacune de ces couleurs, elle indique les références appropriées : numéro Pantone, pourcentages CMJN, code HEX ou RVB, selon les cas.
La présentation des documents
Elle est également un élément clef de la charte graphique. Celle-ci va donc déterminer avec précision les règles de mise en page de tous les documents émanant de l’organisation.
Cela va aller, par exemple, de la dimension des en-têtes, des bas de page, aux largeurs des marges, des interlignes, en passant par la codification des retraits, l’emploi des listes à puces ou numérotées ou encore des illustrations. Ces règles vont naturellement varier selon le type de document : courrier, facture, cartes de visite, etc.
Le style ou la voix de l’organisation
Cet aspect de la communication de l’organisation est non moins important que les précédents. Il constitue donc aussi une partie d’une charte graphique. Elle correspond au ton employé par l’organisation pour communiquer avec son public et ses partenaires.
Son objet est en quelque sorte la définition de sa ligne éditoriale. Un document administratif diffusé par une administration publique n’aura évidemment pas la même structure et le même ton qu’un document commercial présentant un service ou un produit.
Mais même ainsi, les variations peuvent être considérables d’une administration à l’autre, ou d’une entreprise à l’autre, suivant le public concerné et la nature de l’organisation. Comme pour le type d’écriture, autrement dit, la typographie, le ton employé, autrement dit, la voix ou le style, doit être unique.
Charte graphique : objectifs
Les éléments composant une charte graphique ne sont que des variables au service de l’affirmation d’une identité visuelle. Pour que ces variables soient correctement utilisées, il est nécessaire de définir préalablement ce qu’est l’organisation.
Sa reconnaissance visuelle est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur les fondamentaux que sont sa mission, sa vision et ses valeurs. Les variables décrites par la charte graphique sont, en effet, les « véhicules » qui vont les transmettre, de manière privilégiée, à son public et à ses partenaires.
La mission de l’organisation
Elle est, en général, formalisée dans la base line ou la signature qui figure systématiquement sous le logo. Cette mission définit la raison d’être de l’organisation, quel que soit son environnement.
C’est un des dénominateurs communs de tous ceux qui travaillent pour elle. C’est également ce qui fonde sa légitimité dans son champ d’intervention. Elle délimite son positionnement au quotidien et vis à vis de la concurrence.
Pour Renault, par exemple, la mission annoncée, c’est : « la vie, avec passion ».
Quant à Oui, Sncf, c’est : « laissez-vous transporter » et pour le CIC, cela devient : « construisons dans un monde qui bouge ». Déclinée sous cette forme, la mission a des allures de slogan.
La vision de l’organisation
La vision d’une organisation, c’est la manière dont elle se voit dans l’avenir. Cette vision est un acte essentiel de management général.
C’est de cette vision que vont découler les différents axes de sa stratégie. Elle est plus particulièrement retranscrite dans son style éditorial, le choix de ses sujets de communication et ses illustrations.
Dans un document intitulé « notre vision », Véolia indique clairement les raisons de son implication grandissante en Afrique. Pour l’entreprise, « le continent africain est riche de défis et d’opportunités ».
Or, selon elle, c’est grâce aux villes qu’elle pourra répondre aux défis et saisir les opportunités. D’où sa croyance et sa vision d’une Afrique « en pleine transition urbaine » et la nécessité de repenser la cité africaine.
Les images qui accompagnent le document montrent des employés africains dans la tenue de travail bleue ou rouge de Véolia, tous porteurs d’un casque de sécurité jaune. L’impression qu’elles cherchent à donner est celle d’une grande technicité conduite avec un haut niveau de professionnalisme.
Les valeurs de l’organisation
Comme pour la vision, elles se retrouvent également dans son style éditorial, les thématiques retenues et son iconographie. L’objectif est toutefois différent. Il s’agit là de montrer comment l’organisation s’ancre dans son histoire et s’en sert pour dresser les contours de ses valeurs.
Encore aujourd’hui, les valeurs des centres Leclerc reproduisent les idées de leur fondateur, Edouard Leclerc, et des principes à l’origine de la grande surface « à la française ».
Par exemple, dans un document intitulé « nos valeurs, nos engagements », le groupement lui fait correspondre l’iconographie propre à sa stratégie de « marque repère » pour souligner combien celle-ci est en adéquation avec ces principes.
Les objectifs d’une charte graphique peuvent donc être très généraux et dépasser le cadre de spécifications purement techniques. C’est en ce sens qu’une charte graphique peut être considérée comme une « bible ».
Elle détaille tous les aspects de la communication d’une organisation. Elle s’intéresse, de ce fait, non seulement à son « comment », mais aussi à son « quoi ». Ce n’est qu’à cette condition que son identité visuelle peut être pleinement cohérente et soutenir avec efficacité sa politique de « brand » ou de marque.
Charte graphique : exemple
La charte graphique de l’UPEM – Université Paris Est Marne La Vallée -, dans sa version du 3 Octobre 2013, en fournit un des exemples les plus aboutis. Elle est formalisée dans un document très soigné et très complet, de 60 pages, découpé en 7 chapitres inégaux, hors annexes, précédés par une introduction.
Introduction et chapitre 1
- L’introduction rappelle les objectifs de la charte, elle-même baptisée « charte graphique et éditoriale ». Elle donne également des indications sur la méthodologie suivie pour son élaboration. Pour plus d’information sur son emploi, elle oriente le lecteur sur l’adresse d’un site web spécifiquement dédié. Un sommaire détaillé la complète.
- Le premier chapitre de 10 pages décrit le logotype de l’organisation et les éléments graphiques qui lui sont associés. Il se décline en trois versions, selon l’usage qui en est fait : papeterie, édition ou signalétique. Les références couleurs sont fournies en Pantone C, CMJN, RNB et Web. Différentes options de fond sont, par ailleurs, proposées. Le but étant, comme le souligne un paragraphe, que :
Le traitement graphique et le code chromatique de l’ensemble expriment simplicité, originalité, force et modernité
Chapitres 2, 3 et 4
- Le chapitre suivant a pour intitulé « L’univers de la marque ». Il ne comprend que 5 pages. Il s’intéresse essentiellement au rôle de la signature, à sa transposition dans un environnement international, aux typographies utilisables et aux couleurs d’accompagnement, notamment, en cas de dégradés ou de trame illustrative.
- « L’architecture de la marque » est le titre des 3 pages qui composent le chapitre 3. Celui-ci précise les conditions dans lesquelles les différentes entités de l’organisation peuvent décliner son logo et sa signature.
- Le chapitre 4, « Papeterie-Bureautique », est un important chapitre de 14 pages qui donne des indications précises sur la mise en forme des documents. Cela concerne aussi bien, entre autres, les têtes de lettre, la mise en page que les bordereaux d’envoi des télécopies, les tampons ou les flammes postales.
Charte graphique : site web
- Le chapitre 4 consacre une grande partie de son développement à l’application de la charte graphique dans un contexte multimédia. Il indique comment les mails doivent être formalisés et, notamment, signés. Les sites web doivent également se conformer à la charte graphique tant au niveau de la page d’accueil que des menus déroulants ou des différents modules.
- Dans cette même partie, les auteurs de la charte graphique donnent aussi des exemples de la manière dont il faut concevoir les diapositives d’un diaporama sous PowerPoint.
Chapitres 5, 6 et 7
- Le chapitre 5, intitulé « Les éditions », décrit dans ses 8 pages les conditions de mise en page des textes dans les différents formats A4, A5 ou autres. Il donne de même les règles de composition pour la conception de chemises, rapports ou dossiers de présentation. Il concerne également la conception des pages internes.
- La signalétique fait l’objet du chapitre 6 et de ses 3 pages. C’est un point important. La mise en oeuvre d’une charte graphique ne se limite pas aux documents papiers ou multimédias. Elle touche aussi au marquage d’un bâtiment, aux panneaux de porte, au fléchage d’orientation et à l’affichage évènementiel.
- En une page, le dernier chapitre qui consacre ses développements aux objets promotionnels rappelle que ceux-ci constituent aussi un champ d’application d’une charte graphique.
Charte graphique et stratégie de communication
Les deux vont de pair. Une organisation performante ne peut faire l’impasse sur la conception d’une stratégie de communication. Celle-ci est, en effet, indispensable pour soutenir ses orientations générales. Une entreprise peut avoir le meilleur produit ou le meilleur service du monde, cela sera de peu d’effet sur ses résultats opérationnels, si elle est la seule, ou presque, à le savoir.
Cependant, faire savoir que l’on sait faire, ne suffit pas. Cela s’organise, se planifie et se réfléchit. La charte graphique est le moteur de cette réflexion. Son élaboration nécessite, en effet, un approfondissement de l’identité de l’organisation qui en est le support. Elle nécessite, par ailleurs, beaucoup de rigueur dans sa conception, de façon à pouvoir traduire visuellement cette identité.
Enfin, si toute organisation a intérêt à se doter d’une charte graphique et à mettre en place une stratégie de communication, il n’en reste pas moins que le détail de l’une et de l’autre varie énormément d’une organisation à l’autre, en fonction de son poids et de ses ambitions. Si 60 pages sont utiles pour une grosse structure, une page peut suffire pour une micro-entreprise.
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